Episode 12 – Pierre FOURCADE

Pierre Fourcade -26 mai 1916

 

Pierre Fourcade, enfant d’Hagetaubin, est mort à même pas 19 ans, 3 mois après son incorporation, d’une méningite cérébro-spinale à l’hôpital de La Rochelle. Il n’ a donc pas combattu.

A travers cette histoire, nous allons nous plonger dans l’histoire des affections (mortelles ou invalidantes) contractées par les poilus sous les drapeaux, au travers des principales (Turberculose, “la fièvre des tranchées et les “pieds des tranchées” causés par des poux, le froid et l’humidité et enfin le syndrome post-traumatique)

Biographie

Pierre Fourcade est né le 24 avril 1897 à Hagétaubin , maison Péré. Il est le fils de Bernard Fourcade, forgeron, né à Hagétaubin le 9 mai 1863 et de Camgrand Marie (ou Jeanne) née à Saint Médard le 28 septembre 1876. Les Archives Départementales  numérisées n’allant pas plus loin que 1898, il est impossible pour l’instant de voir s’il a eu des frères et soeurs… Sa profession indiquée lors du conseil de révision est celle de maréchal ferrant.

Pierre est de la classe 1917, incorporé en 1916 (arrivé au corps le 18 janvier 1916, 14e Régiment d’Artillerie de Tarbes avant de passer au 118e régiment d’artillerie lourde le 25 février 1916. Cette incorporation précoce est symptomatique des difficultés de l’Etat-major et de l’importance des pertes humaines fin 1915/début 1916. La classe 1917 est appelée un an avant …

Pierre Fourcade est décédé le 27 mars 1916 à l’Hôpital militaire de La Rochelle d’une méningite cérébro-spinale 2 mois après son incorporation.   Il n’avait pas 19 ans.

Pierre Fourcade fait partie de ces nombreux soldats mobilisés  décédés d’une affection contractée sous les drapeaux et non lors de combats ou des suites d’une blessure de guerre.

  Pour cela nous allons consacrer l’article sur Jean Fourcade aux  affections qui pouvaient toucher les soldats mobilisés et étaient des conséquences directes de la promiscuité, des conditions d’hygiène déplorables ou de la violence psychologique des combats.

 Ce n’est pas une étude exhaustive, de nombreuses affections ont été favorisées par la concentration des hommes, la promiscuité et les difficiles conditions de vie au front.

Nous aborderons les points suivants:

  • la tuberculose, fléau de l’époque industrielle en Europe, exacerbé pendant la guerre
  • les affections spécifiques au manque d’hygiène, au froid et  à l’humidité: la “fièvre des tranchées” et les “pieds de tranchées” 
  • le syndrome post-traumatique dû à la violence des combats

La turberculose

    La tuberculose est une maladie très ancienne aux manifestations très diverses affectant aussi bien humains et animaux, mais dont l’unité nosologique (classification des maladies…) et l’étiologie (étude des causes des maladies…) ne furent établies qu’au xxe siècle.

Maladie infectieuse causée par la bactérie Mycobacterium tuberculosis, qui se transmet par voie aérienne, avec des signes cliniques variables, elle touche le plus souvent les poumons et peut parfois atteindre d’autres organes.

   En 1882  , à la suite des travaux de Louis PasteurRobert Koch  met en évidence le bacille tuberculeux à partir de lésions humaines : le 24 mars 1882, il communique d’abord à la Société de physiologie de Berlin une note sur la recherche et la culture du bacille de la tuberculose ; le 10 avril, il publie dans le Berliner klinische Wochenschrift un mémoire sur l’étiologie de la tuberculose qu’il rapporte à un bacille décelé dans les crachats et les lésions tuberculeuses humaines.

   Les premiers traitements efficaces contre la maladie ne seront mis au point qu’à partir des années 1940.

En 1940, Selman Waksman découvre l’action antituberculeuse de l’actinomycine puis, en 1942, de la streptothricine. Ces antibiotiques ne peuvent toutefois être utilisés en thérapeutique humaine ou vétérinaire du fait de leur trop grande toxicité.

En 1943, Waksman découvre enfin la streptomycine qui permet, un an plus tard, la première guérison par antibiotique d’un malade gravement atteint de tuberculose

En 1948, a lieu le premier essai clinique randomisé de l’histoire de la médecine :l’épidémiologiste Austin Bradford Hill montre que la streptomycine est plus efficace que la collapsothérapie .

  La maladie comprend deux étapes : la tuberculose-infection qui peut rester latente et silencieuse, puis la tuberculose-maladie où les troubles se manifestent. Le risque de contracter une tuberculose dépend d’abord du risque d’exposition au bacille (infection), puis du risque de développer la maladie après infection.

 Un premier facteur de risque est le contact étroit avec un cas contagieux ; la  promiscuité respiratoire (familles nombreuses sous un même toit, personnes ayant vécu ou vivant dans des pays de forte endémie tuberculeuse, conditions de logement, populations pénitentiaires, à fortiori la vie dans les tranchées et les cantonnements etc.) est généralement en cause.

Affiche de prévention dénonçant la pauvreté, la promiscuité et l’alcoolisme, 1917

Or les combattants de la Grande Guerre ont connu promiscuité et conditions de vie quotidiennes très difficiles, hygiène déficiente, froid, humidité…

    La “guerre des tuberculeux”

   Sources: https://www.cairn.info:revue_annales_de_demographie                  http://cities.reseaudes villes

   Cette expression illustre bien l’ampleur du phénomène parmi les combattants…

150 000 cas avérés causent 40 000 morts. Les Poilus mal nourris, dorment mal, rarement au sec. La maladie sera souvent diagnostiquée trop tard pour ne pas être très grave. Ils reviendront de la guerre trop atteints et guériront rarement. C’est ainsi qu’on rajoute sur leur acte de décès, quelques années après la guerre, la mention marginale : « Mort pour la France ». C’est le cas de Léon SAUTIER, décédé le 06 février 1924, à la suite d’une tuberculose contractée au front. Il a été déclaré “Mort pour la France” et inscrit sur le monument au mort de Mascouette

* Le 25 mars 1915, le Pr. Landouzy, éminent phtisiologue et doyen de la Faculté de médecine de Paris, jetait un cri d’alarme. Entre 1894 et 1902, sur un contingent de quatre millions d’hommes, l’administration militaire en a rayé 36 000, réformés ou morts, pour raison de tuberculose. Or, la plupart des tuberculeux jadis réformés sont aujourd’hui incorporés ou « récupérés » par la France en guerre. À ce compte, l’armée pourrait bien, dans les années à venir, déverser 50 000 tuberculeux sur le pays, libérant ainsi un formidable potentiel de contagiosité.

   *L’exemple suivant est très éclairant sur le problème posé par la maladie et la guerre…

Le 4 février 1918, le journaliste Henry Torrès, du quotidien La Vérité, mettait en lumière le cas du deuxième classe Gaston Salzes, juge d’instruction dans le civil et tuberculeux avéré, reconnu coupable de désobéissance par la justice militaire et condamné à un an de prison pour « n’avoir pas eu la force de faire l’exercice ». Après deux ajournements, Salzes avait été définitivement réformé le 31 octobre 1906 pour tuberculose pulmonaire. Classé « bon service armé » en décembre 1914, il est déclaré « inapte » en juin 1915 pour « bronchite du sommet ». En août 1915, le voilà de nouveau « apte », puis « inapte » en février 1916, et « apte » deux semaines plus tard. En mai 1916, il se bat dans les tranchées du 311e régiment d’infanterie, mais au cantonnement de repos de Rozières, il tombe d’épuisement et se dérobe à l’exercice. L’affaire est portée devant le conseil de guerre où les médecins le dégagent de toute responsabilité. Et la valse recommence. En février 1917, il est déclaré « apte ». En août, il entre à l’hôpital militaire de Marseille avec « au sommet, des signes indiscutables de lésions d’origine tuberculeuse ». Le 27 octobre, il passe de nouveau en conseil de guerre et, de nouveau, les médecins invoquent sa tuberculose. Mais c’est à l’unanimité qu’il est condamné à un an de prison. Il est alors incarcéré au fort Saint-Nicolas dans une atmosphère fort propice à l’épanouissement des bacilles de Koch.

 Encore Gaston Salzes a-t-il eu le bonheur de survivre à la guerre. Tel n’est pas le privilège de tous les tuberculeux. Certains d’entre eux semblent même avoir été enrôlés à la dernière extrémité. Au cours de sa tournée d’inspection dans le secteur médical du Mans, le médecin-major Nordmann, chef de secteur, signale, en novembre 1916, l’hospitalisation d’un tuberculeux « en très mauvais état, presque agonisant, avec lésions d’hépatisation pulmonaire ». Or, ce moribond avait été incorporé deux mois auparavant, le 4 septembre. Dans son rapport du mois de mars 1917, le médecin-major Grenet cite le cas d’un tuberculeux aux crachats gorgés de bacilles de Koch proposé pour le service auxiliaire et maintenu dans les tranchées cinq mois durant, « sa tuberculose paraissant apaisée malgré la persistance de signes cliniques ». « Ce cas n’est pas unique », précise Grenet, « en agissant ainsi, on augmente les effectifs de façon fictive ; on les surcharge de poids morts, et cela, au détriment de la santé des hommes..”

   *Mais, loin du front, les conseils de révision et de réforme ont à cœur de participer à l’effort de guerre en fournissant à la patrie un maximum de soldats. En prévision d’un conflit qui, au début, devait être de courte durée, il importait peu qu’un combattant fût tuberculeux ou cardiaque. Par la suite, il ne sera pas davantage nécessaire qu’il soit en bonne santé pour mourir en héros. Et puis, la psychose de l’embusque aidant, conseils de révision et de réforme se défendent d’entretenir des « repaires d’embusquage », selon l’expression en vogue.

 Les incertitudes du diagnostic et la multiplicité des degrés de morbidité aggravent la complexité du problème. Les médecins se perdent dans le labyrinthe des tuberculeux « ouverts » ou « fermés », des « évolutifs », des « faux tuberculeux », des « tuberculeux latents » et des « bronchites suspectes ».

 Certains conscrits, bien portants en apparence, se savent pulmonaires et se considèrent, à juste titre, comme d’éternels convalescents. Dès lors, leur incorporation tombe comme un arrêt de mort. Ils se dérobent parfois et se font hospitaliser à perpétuité avec l’appui de plusieurs médecins.

 Mais la plupart des tuberculeux se présentent devant le conseil de révision sans connaître leur état. Les examens de dépistage étant longs et incertains, mieux vaut confier tout sujet à l’épreuve de la guerre. Elle seule dictera la conduite à suivre. Lorsque les symptômes ne peuvent plus passer inaperçus, le malade évacué se présente à la formation sanitaire les mains nues. Or, comme le souligne le Dr Nordmann, « il est très difficile de se faire une opinion ferme à propos d’un malade atteint des bronches ou des poumons sans courbes de températures, pesées régulières et examens de crachats. Il faut que les médecins régimentaires prennent l’habitude d’envoyer à la consultation des hommes munis de renseignements précis. Ils doivent aussi les mettre sous plis cachetés et éviter tout diagnostic en présence des malades qui arrivent à la consultation en disant non pas “je souffre de telle chose” mais “j’ai telle maladie”

“Fièvre des Tranchées” et “Pieds des Tranchées”

La fièvre des tranchées ou “fièvre des 5 jours” ou “fièvre de la Meuse”

La fièvre des tranchées était également connue sous le nom de fièvre Quintan et était causée par une bactérie appelée Bartonella Quintana trouvée dans les poux du corps. Elle était facilement transmissible d’un soldat à l’autre et durait plusieurs jours. Les symptômes comprenaient des douleurs musculaires, des maux de tête, des températures corporelles élevées, des plaies sur la peau et des crises de fièvre continues. Les poux du corps se reproduisaient et poussaient dans les vêtements des soldats en s’accrochant aux coutures du tissu. Pour se débarrasser des poux, les soldats faisaient courir des flammes sur les coutures de leurs vêtements.

En fait, il était possible que des soldats aient été frappés plus d’une fois par la maladie pendant la guerre et le nombre d’infections a atteint près d’un million à un moment donné. Cependant, cette hausse soudaine de la maladie était également liée à la pauvreté, au surpeuplement, au déplacement des ressources et au sans-abrisme dans les pays. Si un soldat recevait un diagnostic de la maladie, cela signifiait qu’il serait en congé pour une période minimale de trois mois et que le pays perdrait une ressource précieuse. Mais d’un autre côté, son faible taux de mortalité en a aussi fait un sauveur pour de nombreux hommes qui, autrement, auraient perdu la vie sur le champ de bataille.

Malade des “Pieds des Tranchées”

C’était une infection qui faisait que les pieds des soldats devenaient rouges/bleus. Il s’agissait d’un problème majeur au début de la guerre, causé par l’humidité, le froid et l’insalubrité de l’environnement. Les hommes restaient debout dans des tranchées gorgées d’eau pendant des périodes continues sans pouvoir bouger leurs jambes ou enlever leurs chaussettes. Si l’état s’aggravait, cela rendrait la jambe gangrenée et engourdie.

La seule solution à ce problème était que les soldats se rincent les plaies à l’eau chaude de Luc, sèchent les pieds et changent leurs chaussettes plusieurs fois par jour. Sinon, ils devraient vivre avec une jambe amputée pour le reste de leur vie. Le nombre de cas de pied de tranchée infligés s’élève à plus de 75 000 hommes dans l’armée britannique et à environ 2000 dans l’armée américaine. Mais la mesure d’amélioration de la qualité des chaussures des soldats a considérablement réduit ce nombre à la fin de la guerre.

Le Syndrome Post-Traumatique ou ESPT (Etat de Stress Post-Traumatique)

La principale source utilisée étant: https://francetvinfo.fr/societe/guerre-de-14-18/11-novembre/de-l-obusite-au_stress_post-traumatique

            *Dans L’Esprit public du 25 août 2013, dédié à la violence de la guerre, l’historien Jean-Yves Le Naour revenait sur les troubles mentaux des Poilus, devenus tabou. À l’époque, la folie est perçue comme honteuse, et systématiquement dissimulée. Les soldats qui défendent la patrie sont vus comme des héros qui se doivent d’être forts :

Les nerfs, c’est l’étalon de résistance de la race. Les Allemands disent que les Latins sont une race impressionnable, qui ne tiendra pas. Les Poilus, eux, se vantent de leur solidité. Donc il ne peut pas y avoir de Poilus qui auraient des troubles mentaux, ça les ramènerait à la condition d’un homme fragile, débile et efféminé. Avant 1914, les maladies mentales sont cantonnées aux femmes. L’hystérie vient du mot utérus. 

                                      Jean-Yves Le Naour. Violence de la Grande guerre (L’Esprit public, 25/08/2013)

 Des soldats français posent avec un assistant médical à Saint Jean d’Ormont (Vosges) le 1er janvier 1915

              *Face à la violence inouïe des combats, de nombreux soldats envoyés au front ont développé des troubles psychiques. Abandonnés pendant le conflit, puis tombés dans l’oubli, ils ont cependant contribué à poser les bases de la psychiatrie de guerre.

           *Dès 1914, les médecins constatent l’apparition de troubles, appelés “hypnose des batailles”, chez les soldats qui ont survécu aux attaques meurtrières du mois d’août. “Parmi les rescapés, certains erraient, le visage hagard, le regard absent, ils revoyaient en permanence des scènes de bataille. Ils étaient dans un état d’épuisement physique et psychique”, décrivait en 2014 le psychiatre des armées Louis Crocq sur France Culture.

D’autres de ces patients, qui n’ont pas forcément été atteints physiquement, souffrent de ce que l’on appelle “l’obusite”, ou le shell-shock en anglais. “Ce syndrome est un trouble psychique apparaissant à la suite des bombardements, reprenant l’ancienne théorie du syndrome du vent du boulet lors des guerres du Premier Empire. Le soldat est choqué, avec des paralysies, des hallucinations…”, rappelle Olivier Farret. “Ces gens guérissaient entre huit et quinze jours, mais certains devenaient déments et terminaient à l’asile“, développe Louis Crocq. 

Des patients présentent également des symptômes appelés “neurasthénie de guerre”. Il s’agit de fausses cécités, surdités et paralysies. C’est notamment le cas de la “camptocormie”(maladie du dos courbé), qui contraint le malade à conserver en permanence le tronc fléchi vers l’avant. Dans son livre, Les Blessés psychiques de la Grande Guerre, Louis Crocq cite le cas d’un soldat d’infanterie hospitalisé à Villejuif en février 1915 après avoir été projeté par l’éclatement d’un obus en septembre 1914 : “Perte de connaissance, puis violentes douleurs dans le dos. Pas de plaie. Depuis, tronc fortement incliné en avant et à droite, avec impossibilité de se redresser.”

“D’un côté, il y a donc des signes d’ordre neurologique, comme ces courbures vers l’avant, des tremblements ; d’un autre côté, il y avait des signes d’ordre psychiatrique, comme le stress aigu, les hallucinations”, résume Laurent Tatu, chef du service de pathologies neuromusculaires au Centre hospitalier universitaire de Besançon. 

          *”Le caractère commun entre ces deux tableaux est l’absence de lésions physiques, c’est pourquoi certains soldats ont été considérés comme des simulateurs.”  Laurent Tatu,  coauteur de “La folie au front. La grande bataille des         névroses de guerre (1914-1918)”

Ainsi, certains de ces malades, accusés d’être de faux blessés, ont été fusillés. Louis Crocq évalue leur nombre à 600. Dans son livre, le psychiatre évoque le cas du soldat Eugène Bouret, blessé dans l’explosion d’un obus en août 1914. Un médecin pose un diagnostic : “Etat de démence par commotion cérébrale.” On ordonne alors au blessé de regagner par ses propres moyens un poste de soins à l’arrière. Mais le soldat s’égare pendant quatre jours. Repéré dans un état confus, il est inculpé pour abandon de poste. Trois jours plus tard, il est condamné à mort devant le conseil de guerre et exécuté le jour même. Eugène Bouret sera réhabilité en 1917 par la Cour de cassation après le témoignage du médecin qui l’a ausculté.

        *Chocs électriques ou conseil de guerre

Tout au long de la guerre, deux visions opposées vont déterminer les traitements et les soins apportés aux malades. “Il y a d’abord l’approche des psychiatres plus empathique, et celle des neurologues, qui pensaient qu’il fallait secouer les sujets”, explique Laurent Tatu. Dans un contexte de lourdes pertes humaines, l’objectif est certes de soulager les soldats, mais aussi de les renvoyer au front le plus vite possible.

L’électrothérapie va être largement pratiquée. L’objectif : “Utiliser des chocs électriques de faible intensité dans le but de faire renoncer le patient à son symptôme”, rapporte Louis Crocq.  

C’est un traitement peu efficace et très douloureux. Les malades qui s’y opposaient pouvaient être menacés du conseil de guerre. Olivier Farret à franceinfo

Pour les soldats qui souffrent de “camptocormie” on leur met des carcans en plâtre pour les redresser. Là aussi en vain. D’autres se voient infliger des lavages d’estomac ou encore des injections de sérums.

Deux médecins vont défendre ces méthodes dures : Gustave Roussy et Clovis Vincent. En 1916, ce dernier envoie devant le conseil de guerre plusieurs soldats récalcitrants à l’électrothérapie. L’une de ces affaires, dite du “zouave Deschamps”, connaît un large retentissement médiatique. Baptiste Deschamps, mobilisé avec le 1er régiment des zouaves algériens, est opéré en 1914 pour un tassement vertébral. Malgré son intervention, il continue à se tenir courbé. Il échoue dans différents centres neuropsychiatriques, dont celui de Tours. 

Clovis Vincent, qui dirige l’établissement, lui prescrit des chocs électriques. Après avoir entendu d’autres patients lui décrire les douleurs insupportables provoquées par l’électrothérapie, Baptiste Deschamps refuse. Les deux hommes se disputent et en viennent aux mains. Le “zouave Deschamps” est envoyé devant le conseil de guerre. Mais, à la barre, de nombreux soldats dénoncent une méthode cruelle, qu’ils assimilent à de la torture. Au final, le soldat est condamné à six mois de prison avec sursis. De son côté, Clovis Vincent, déstabilisé par cette affaire, demande à être affecté au front. 

Les chocs électriques vont finalement être abandonnés en 1917 au profit de l’approche psychiatrique. C’est l’apparition de la “psychiatrie de l’avant”, que Louis Crocq qualifie d'”acquis spectaculaire”. L’objectif : “Traiter le blessé psychique le plus tôt possible, sur le front même, pour ne pas le laisser s’enfoncer dans des ruminations solitaires propices à la chronicisation des troubles”, explique-t-il.  

         *Les soldats tombent dans l’oubli

A partir de cette période, les troubles psychiques sont considérés. Mais une fois les combats terminés, les poilus qui en sont atteints ne sont pas pris en charge. “Après la guerre, tous ces blessés psychiques ont été oubliés, il y a eu peu de suivi, souligne Olivier Farret. Si la loi du droit à réparation de 1919 concerne surtout les blessés physiques, l’octroi de pensions d’invalidité pour les blessés psychiques est donné avec parcimonie, sinon avec regret, avec des taux très bas.”

Des blessés psychiques finissent leur vie dans la plus grande désolation. En Gironde, le “cimetière des fous” de Cadillac, adossé à un hôpital psychiatrique, en est l’illustration. Là, reposent des soldats de la Grande Guerre, des blessés psychiques, symbolisés par 900 croix rouillées.

Le “cimetière des fous” de Cadillac (Gironde), le 30 octobre 2007, où reposent des soldats de la Première Guerre mondiale. (JEAN-PIERRE MULLER / AFP)

        *Une lente reconnaissance

“Après l’armistice de 1918, toute une génération d’hommes a été laissée à l’abandon, relève Louis Crocq. C’est le sacrifice des oubliés : les soldats de la honte.”  Mais ce sacrifice ne fut pas vain. La Première Guerre mondiale s’est avérée déterminante pour la psychiatrie : pour la première fois, des tableaux cliniques de ces maladies mentales ont été établis. Par la suite, l’approche psychiatrique ne fut plus remise en cause pour ces blessés psychiques. “C’est l’humanisation progressive de la relation thérapeuthique”, écrit Louis Crocq.

 Il faudra attendre 50 ans et la guerre du Vietnam pour que les blessés psychiques soient véritablement pris en charge et que les psychiatres américains proposent  une nouvelle entité médicale le syndrome de stress post-traumatique (Post-Traumatic Stress Disorder, PTSD).

 Plus qu’un tournant, la guerre de 14-18 est le point de départ de la compréhension du concept des névroses de guerre“, conclut Laurent TatuLa grande avancée, c’est donc la compréhension progressive que c’est une maladie à part entière telle qu’on la connaît aujourd’hui.”

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