Feuilleton Historique- Episode 1 – Lucien FEUGAS
Lucien FEUGAS – 22 août 1914
Jean Lucien FEUGAS fut décoré de la Médaille militaire à titre posthume et de la Croix de guerre avec étoile de bronze.
Biographie
Jean Lucien FEUGAS est né le 18 octobre 1890, maison Claverie à Hagétaubin.
Il est le 5ème et dernier-né d’une fratrie de 5 enfants (3 soeurs et un frère). Ses parents, Henri Feugas, né le 13 septembre 1851 à Hagétaubin (Claverie) et Suzanne Poïmiroo, née le 20 février 1852 à Bonnegarde (Landes) se sont mariés le 29 janvier 1877 à Hagétaubin
.Son frère Jean Théodore FEUGAS, né le 9 novembre 1881, engagé le 17 novembre 1899, a fait carrière dans l’armée participant notamment à des campagnes en Tunisie, terminant adjudant avant de décéder à Hagétaubin le 28 juillet 1911
Jean Lucien s’est également engagé pour 4 ans , le 4 novembre 1908. Il est caporal le 25 septembre 1909, sergent le 12 avril 1913.
Rengagé pour 2 ans le 24 avril 1913 au titre du 1er Régiment de tirailleurs algériens , il est sergent-major le 21 juillet 1914, à la veille du conflit.
Selon le registre de recrutement militaire, il disparut au combat du Châtelet (Belgique) le 22 août 1914. L’avis officiel date du 23 janvier 1915. Il sera déclaré décédé le 22 août 1914 par jugement du tribunal d’Orthez en date du 6 mai 1920.
Circonstances et contexte de sa mort
Jean Lucien FEUGAS est donc mort le 22 août 1914; c’est le premier de la commune à tomber lors de la Grande Guerre.
Le combat du Châtelet fait partie, de la bataille de Charleroi (Belgique) qui s’est déroulé du 21 au 23 août 1914, elle-même faisant partie, plus globalement, de la “bataille des Frontières” du 7 au 23 août 1914.
En effet, les Allemands appliquent dès le 4 août le “Plan Schlieffen”
Les idées maîtresses de ce plan sont d’abord de concentrer le gros des armées allemandes le long des frontières occidentales du Reich en n’assurant qu’une protection minimale à l’est face au danger russe. Ensuite, une attaque à travers le Luxembourg et la Belgique contournerait, par le nord, toutes les forces françaises massées le long de la frontière franco-allemande. L’aile droite marchante allemande pivoterait vers le sud pour prendre Paris et enfin encercler les troupes françaises. Ce plan implique l’obtention d’un droit de passage par la Belgique ou, à défaut, le passage en force avec violation de la neutralité belge qui entraînera l’entrée en guerre du Royaume Uni contre l’Allemagne
Sa mise en application au tout début d’août 1914 a donné l’occasion aux armées allemandes de remporter la “bataille des frontières” (du 7 au 23 août), mais le plan n’a pas permis d’emporter la décision avec la mise en échec des forces allemandes lors de la bataille de la Marne (du 6 au 9 septembre) Voir dans un article suivant.
La bataille de Charleroi résulte avant tout, de la prise de contact entre la Vème armée commandée par le général Lanrezac et la IIème armée allemande, commandée par le Generaloberst von Bulow. La 5e armée française progresse vers le nord en vue d’attaquer l’aile marchante allemande par l’ouest. La IIe armée allemande traverse la Belgique dans un vaste mouvement tournant centré sur les Ardennes et progresse vers le sud-sud-ouest avec pour objectif de déborder Maubeuge par le nord.
À l’ouest de la Vème armée se trouve le Corps expéditionnaire britannique (BEF) qui prend contact avec la Ière armée du Generaloberst Von Kluck à peu près simultanément (Bataille de Mons). Voir carte ci-dessous
Le 20 août, la Vème armée française progresse en direction du nord et arrive le long de la Sambre entre Charleroi et Namur et se met en garde sur les ponts. La 5e armée française forme donc un angle droit en pointe nord-est. Voir carte ci-dessus
Le 21 août, les armées française et allemande se rencontrent sur les ponts de la Sambre. Le terrain est difficile car la zone, assez industrielle, est densément construite et empêche l’utilisation de l’artillerie de campagne. Les Allemands, initialement repoussés, parviennent rapidement à établir des têtes de pont sur la rive sud du cours d’eau, malgré des tentatives de les déloger.
Le 22 août, les deux corps français renforcés des 37e et 38e divisions (zouaves et tirailleurs algériens de l’armée d’Afrique dont fait partie le 1er Régiment de Tirailleurs algériens de Jean-Lucien FEUGAS) tentent de contre attaquer et de reprendre les ponts, en vain. Ces contre-offensives, réalisées selon la doctrine en vigueur, sont très meurtrières sans résultat concret (Jean-Lucien FEUGAS décède à cette occasion). Les Français découvrent l’efficacité des mitrailleuses et de l’artillerie lourde allemandes. Les corps allemands de deuxième échelon tentent alors de déborder par Charleroi
Le 23 août, les 3e et 10e corps fortement éprouvés par l’échec de leur contre offensive se mettent en défensive sur les hauteurs sud de la Sambre.
Le 24 août, le général Charles Lanrezac se voit contraint d’ordonner la retraite sur une ligne Avesnes-Regniowez puis La Capelle-Hirson-Charleville avec pour appui à gauche la place forte de Maubeuge, à droite les Ardennes afin de tenter de se rétablir. Voir carte ci-dessus
Avec le recul, on estime généralement que cette décision de retraite, du 23 août, même si elle confirme une victoire tactique allemande, met en échec stratégiquement le plan Schlieffen-Moltke et lui permet fort probablement de sauver son armée. Lors de la bataille de Guise le 29 août, durant laquelle la 5e Armée française est opposée aux Ire et IIe Armées allemandes dans une contre-attaque demandée par Joffre le 27 août, Lanrezac porte un coup d’arrêt partiel à l’ennemi. Il l’oblige à resserrer son dispositif vers l’est. Cette bataille contribue ainsi, indirectement, à la victoire de la bataille de la marne, 10 jours plus tard.
La “bataille des Frontières” est perdue. Seule la bataille de la Marne, du 6 au 11 septembre, dont nous parlerons dans un article suivant permettra de mettre un terme à l’avancée allemande.
Commentaires des historiens et chercheurs
Le 22 août 1914,entre l’aube et la tombée de la nuit, pas moins de 27 000 soldats français sont tués, soit deux fois plus que du côté allemand. C’est le jour le plus sanglant de l’histoire de l’armée française, toutes guerres confondues. Comment expliquer une telle hécatombe ? Pourquoi, paradoxalement, cet événement tragique est-il si peu connu ?
L’ouvrage de Jean-Michel Steg, Le Jour le plus meurtrier de l’histoire de France – 22 août 1914 (Fayard), paru en 2013, nous permet d’en savoir plus.
L’état-major dépassé par les événements
Jusqu’à la fin du mois d’août, l’état-major dirigé par le général Joffre, commandant en chef des armées, ne cerne pas l’ampleur de la manœuvre entreprise par les Allemands en Belgique. Trompés par des renseignements faux ou imprécis, les militaires français sous-estiment le nombre de divisions en train de fondre sur leur aile gauche. “Surtout, ils n’intègrent pas que les unités allemandes de première ligne ont été puissamment renforcées par un afflux de réservistes encore jeunes et bien entraînés”, écrit Jean-Michel Steg.
En Belgique, au début de la bataille des Frontières, les Français prennent des décisions avec une bonne journée de retard. Joffre pense attaquer les Allemands sur leur flanc, comme par surprise, mais il les attaquera finalement de face, ce qui constitue un choc plus violent et difficile à remporter. Une erreur “catastrophique” qui explique en partie le carnage. Quand ils tombent sur les Allemands, dans ce paysage vallonné, sinueux et boisé, les Français sont pris de court. “Le camp capable de déployer ses troupes de la façon la plus rapide sera décisif dans la bataille”, explique l’auteur. Et ce camp, c’est celui des Allemands.
Le cafouillage est d’autant plus grand que les ordres donnés par l’état-major, loin du terrain d’opérations (Joffre est à Château-Thierry, dans l’Aisne), tardent à arriver. Les six corps d’armée engagés ce jour-là peinent à se porter secours : les combats ont lieu de façon quasi simultanée et la désorganisation générale est accrue par un brouillard tenace qui se lève en fin de matinée. Le bilan est catastrophique. Le 22 août, la 8e division a perdu à elle seule 5 000 soldats, soit la moitié de ses troupes. Les officiers ne sont pas épargnés : un gradé sur deux affilié à cette division perd la vie.
“L’offensive à outrance”, une doctrine très meurtrière
Les combats du mois d’août n’ont rien à voir avec ceux, emblématiques de la Grande Guerre, qui se dérouleront dans les tranchées. Les armées allemande, française et britannique en sont encore à la guerre de mouvement, qui expose davantage les hommes et se révèle donc plus coûteuse en vies. Par ailleurs, l’armée française n’est pas préparée à une guerre défensive. Ainsi, face au feu ennemi, “les soldats tentent parfois de s’abriter sous leurs sacs”, note Jean-Michel Steg.
Mais au fond, minimiser les pertes n’est pas l’objectif premier de Joffre et de ses équipes. La doctrine de “l’offensive à outrance” reste privilégiée. Une guerre de type napoléonien, peu défensive, où les soldats restent debout et où l’artillerie joue un rôle secondaire. “Rechercher des pertes minimales eût été considéré comme une faiblesse, une forme de pusillanimité des chefs, au risque de brider l’élan des soldats au combat”, analyse l’auteur du livre. Ceci explique en partie l’absence d’ordre de battre en retraite et le taux de mortalité élevé parmi les officiers, parmi lesquels bon nombre tentent de montrer l’exemple quasi suicidaire, en restant exposés longtemps face au feu.
Cette stratégie d’un autre temps (“On attaquera l’ennemi partout où on le rencontrera”) se heurte à une difficulté supplémentaire : les armes de guerre ont bien évolué depuis 1870 et la guerre franco-allemande. Les fusils tirent plus rapidement, toutes les 4 à 5 secondes ; les mitrailleuses font leur apparition ; les canons sont davantage précis et meurtriers ; l’aviation largue des obus (l’armée française en utilise 50 000 par jour en septembre 1914) et les soldats “se laissent surprendre par les sons”, qu’ils ne sont pas toujours en mesure d’analyser. Il arrive que certains d’entre eux, pris de panique, tirent au hasard, parfois même sur des troupes alliées.
Une mémoire peu entretenue
La violence de ces quelques jours, et notamment du 22 août 1914, est un peu passée sous silence aujourd’hui. Comment expliquer que l’opinion publique connaisse, au moins de nom, les batailles de la Marne ou de la Somme, mais pas celle de Rossignol ? (Où périrent 7 000 soldats lors du même combat) Dès la fin de la guerre, ces événements sont minimisés. Les 106 volumes de l’ouvrage Les Armées françaises dans la Grande Guerre, daté de 1922, ne comportent que trois paragraphes sur Rossignol. L’armée préfère alors retenir les faits constructifs, comme la bataille de la Marne, plutôt que les échecs cinglants, où son commandement est directement mis en cause.
Le 22 août constitue malgré tout, selon les termes de l’historien Stéphane Audoin-Rouzeau, qui préface l’ouvrage de Jean-Michel Steg, “une entrée dans “la première catastrophe”du XXe siècle, dans le désastre originaire”.